Course à l’orgasme : quand la performance tue le reste ⏰

Que ce soit au cinéma, à la télévision ou même dans la pornographie, l’orgasme est considéré comme témoignant d’une partie de jambes en l’air réussie. Mais cette perpétuelle course à la performance ne finit-elle pas par nuire au plaisir et à l’écoute ainsi qu’à la découverte de soi ?

Le Big O 🎤

Depuis que je suis à l’aise avec mon anatomie et connaît un certain nombre de ses recoins par coeur, quelques coups de poignet seulement suffiraient à me faire atteindre l’orgasme, le big O.

Plus jeune, découvrant que le jet masseur du pommeau de douche était très efficace et pas seulement pour les lombaires, j’avais lu quelques articles de presse concernant l’orgasme, notamment clitoridien. Dans un premier temps, j’ai tenté de l’atteindre, sans réel plaisir. Dans un second temps, j’ai commencé à me masturber uniquement dans ce but : avec du recul ça n’était pas l’acte en lui-même qui était plaisant, mais l’image que m’en donnait les médias que je consommais. À croire qu’au bout du 10ème orgasme j’obtenais un pin’s gratuit.

 

(Tentative de) définition 🤓

Si Google le définit en seulement une poignée de mots (orgasme, nom masculin : point culminant du plaisir sexuel), il n’en est pas de même dans la médecine. Dans la revue scientifique Clinical Psychology Review, 26 définitions cohabitent, mais aucune d’elles n’est consensuelle. La recherche dans ce domaine, bien que lente, est loin d’être terminée. Ainsi, je me suis demandé : à quel moment ai-je cessé de considérer mon orgasme comme un objectif ultime indispensable à ma satisfaction ?

Source : Explained, Épisode 16, Netflix.

 

Orgasme, synonyme de plaisir ? 🤔

Toutes les relations sexuelles pendant lesquelles j’ai eu un orgasme n’étaient pas nécessairement bonnes. À l’inverse, certaines de mes relations sexuelles ne se sont pas terminées par un orgasme et font partie des meilleures que j’ai vécues. Ne dit-on pas que ce qui importe, ça n’est pas la destination mais bel et bien le voyage ? Rep à ça Marie-Claire, Elle, et toute la presse féminine.

Beverly Whipple, sexologue, à propos du point G, mais applicable à l’orgasme de façon générale.

 

Orgasmes express : pas le temps pour ces conneries ⌚

De plus en plus de marques de sextoys basent leur communication sur la capacité de leurs produits à fournir un orgasme à son utilisateur ou son utilisatrice en un temps record : moins de 10, 5, 1 minutes… Un peu à l’inverse des déodorants qui cherchent à augmenter leur durée d’efficacité (120 heures, sérieusement ?). Je comprends que parfois on ne puisse pas avoir le temps, mais l’envie si. Dans ce cas, les sextoys minute sont d’une aide bien précieuse. Mais de là à baser toute une campagne de marketing dessus ? Ça me paraît omettre tout le reste.
 

 

Self care et plaisir sexuel 🛀

Au même titre qu’un bain parfumé, qu’un masque pour le visage ou qu’un panier de muffins aux myrtilles, une masturbation est un moment que l’on choisit de s’accorder afin de prendre soin de soi, du self care en somme. Il ne te viendrait pas à l’esprit de te faire couler un bain, y tremper timidement un orteil, puis de vider la baignoire immédiatement après.

Pour ma part, je vois désormais l’orgasme plutôt comme une porte de sortie. Il ne me sert plus d’objectif à atteindre le plus rapidement possible, seulement à couper net mon envie une fois que j’estime avoir profité assez, comme un robinet que l’on fermerait. En plus, contrairement à une Bath Bomb à 10$ chez Lush et à quelques mètres cube d’eau, se masturber c’est gratuit, pour peu que l’on utilise ses mains.

 

L’orgasme est tellement considéré comme un élément de sa todo list à cocher, qu’on en vient à le simuler.

Comme le dit très justement Mireille Miller-Young, professeure d’études féministes, dans la série documentaire Explained, disponible sur Netflix :

L’orgasme est une question de privilège. Tout le monde n’a pas droit au plaisir, historiquement.

 

Orgasm gap et clito de l’espace 🚀

Déjà que nous ne sommes pas toutes et tous égaux face à l’orgasme (le fameux orgasm gap), alors je te laisse imaginer à quel point ce creux s’étend lorsqu’il concerne le plaisir sexuel et la connaissance de son propre corps et de ses propres désirs. La cata.

La découverte la plus récente sur l’anatomie du clitoris (concernant l’existence de ses racines) date de 1998, et ça me fait tellement bizarre de vivre dans un monde où l’on pouvait déjà aller dans l’espace et construire des fusées ultra perfectionnées alors que l’anatomie des organes génitaux de plus de la moitié de la population restaient un mystère pour la science.

 

Un principe qui dessert tout le monde 🤷

Si c’est la vulve qui est l’organe méconnu dans l’histoire, cette idée de mettre l’orgasme au centre de tout, souvent au détriment du plaisir, est applicable à toutes et tous. Dans ce système phallocentré, où le pénis est défectueux s’il ne bande pas, s’il n’éjacule pas, il serait peut être bon de réserver ses pulsions de performance pour autre chose. Genre attraper des cacahuètes au vol avec sa bouche, c’est tout aussi difficile, juste bien moins toxique.

 

Les orgasmes, c’est sympa. Mais j’aimerais que ça ne fasse pas tout.

4 Comments

  1. Benny - EtJ

    2 novembre 2018 at 21 h 04 min

    Ça fait vraiment du bien de lire un article pareil. Parce qu’effectivement nous sommes beaucoup a vouloir tout, tout de suite – sans réaliser que les chemins du plaisir en valent vraiment la peine. Pour les hommes c’est une sacrée évolution: savoir faire monter la température en douceur, et rester sur des plateaux de bien-être plutôt que de foncer. Cultiver son plaisir dans un vrai moment à soi. Et se libérer du besoin de ce shoot d’hormones qui nous laisse vides et inanimés. Merci pour ce partage qui fait du bien !

    1. Zuki

      3 novembre 2018 at 0 h 34 min

      Merci pour ce doux commentaire 💖

  2. LadyShagass

    7 septembre 2018 at 0 h 00 min

    Yes! Un bon article ! Et je suis tout à fait d’accord avec le fait que les marques de sextoys devraient commencer à penser autrement leur discours marketing, sur l’orgasme en 5 min. Je trouve ça super cool quand t’as une envie frénétique de masturbation, car malgré tout une telle « efficacité » a aussi un rôle de démocratisation du plaisir. Toutes les femmes qui ont beaucoup de difficulté à ressentir du plaisir avec une autre personne, qui ont du mal en se touchant elles-mêmes aussi, peuvent ainsi de manière mécanique et rapide, découvrir cette sensation. Cependant, le risque est effectivement de perpétuer l’idée que l’orgasme est une fin en soi, alors que comme tu le dis, certains moments charnels sont inoubliables alors qu’ils n’ont procuré aucun orgasme, et certains orgasmes sont sympas sur le coup, mais dans l’ensemble, l’acte était peu mémorable. C’est très bien de le rappeler dans ton article et cela fait très plaisir à lire, donc merci ! 🙂

    1. Zuki

      7 septembre 2018 at 0 h 52 min

      Ton commentaire fait également très plaisir à lire ❤ Merci énormément.

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