#ChèrePoitrine : laissez tomber mes nichons et les tabous 🍒

Voilà déjà quelques mois que l’idée d’écrire à propos de mon rapport au corps, plus particulièrement à la poitrine, me trottait dans le crâne. Entre temps, le hashtag #ChèrePoitrine est arrivé sans prévenir et me voilà à surfer sur la vague, toujours avec un train de retard (pas ma faute si mon lit est plus attirant que tout le reste). Et tant mieux, quelque part, car je ne suis pas seule dans ce bateau.

Souvent, on parle du — non moins réel — complexe des seins trop petits et autres poitrines plates : mais qu’en est-il des obus, des énormes tchoutches ? (Surtout) lorsque l’on est assimilé·e femme, on ne gagne jamais vraiment au jeu de la beauté, on le sait maintenant.

Enfant déjà, je pratiquais parfois le topless sur la plage, sous le regard gêné des autres petites filles qui sous aucun prétexte n’auraient quitté leur haut de bikini fluo. Je ne comprenais pas bien le concept de cacher mon absence de seins, alors que mon torse était identique à celui de mes camarades masculins.

 

 

Cachez ce sein que je ne saurais voir 🍳

Je me souviens de mon premier jour de collège, dans la cour des grand·es. Du temps où j’étais encore plate comme un trottoir de rue, je n’avais pas vraiment évalué la nécessité de porter un soutien-gorge. C’était pour moi un joli sous-vêtement, à l’aura un peu mystérieuse. Ma mère m’en avait acheté 2 ou 3 l’été précédant la rentrée, juste au cas-où.

Je me rappelle de ces élèves de 3ème qui avaient pointé du doigt mon buste en riant : « si tu continues comme ça, ils toucheront tes pieds bientôt ! ». Le châtiment ultime : les gants de toilette de l’instit’ de Titeuf, ceux qu’on redoute tant mais qu’on ne voit jamais.

Les mois qui ont suivi, je n’ai plus jamais manqué un seul jour de soutien-gorge. Je ne comprenais pas très bien le pourquoi du comment — après tout il n’y avait pas grand chose à soutenir — mais l’enfance et l’adolescence étant des périodes auxquelles on subit davantage l’ordre social qu’on ne le questionne, j’ai obéi.

 

Puis vint la puberté 🍒

En un an à peine, mes seins sont devenus ronds, fermes et dignes d’être désirés par des hommes de tous âges… À ce propos, je pense que je n’ai jamais été aussi sexualisée par des adultes dans l’espace public qu’à mes 12-15 ans. Cherchez l’erreur.

Tandis que les garçons revenaient de vacances avec une voix plus grave, voilà qu’à 12 ans, j’étais enfin une femme ! C’est donner beaucoup de crédit à de simples poches de graisse, mais ne sous-estimons pas le pouvoir du male gaze et du patriarcat.

Très vite, ma poitrine est devenue mon principal trait de caractère. Ma curiosité, mon humour, ma créativité, tout ça n’avait aucune importance si mon physique n’était pas validé et désiré. Malgré les vêtements d’un goût discutable — merci maman ! —, le visage acnéique, les petites lunettes de taupe qui ne rendaient clairement pas justice à mes yeux, j’avais des tétés nom de dieu !

Source : Heavy Boobs (Crazy Ex-Girlfriend S1 Épisode 16)

Mes amis — principalement masculins — de l’époque ne cessaient de me comparer à ces héroïnes de japanimation aux boobs plus gros que la tête à 14 ans et à la taille plus fine qu’une feuille A4. Comment cela ne pouvait-il pas être un compliment pour la fille de la bande ?

De fil en aiguille, j’ai commencé à performer la féminité comme je la voyais dans les magazines, les films et même les livres : j’ai troqué mes baskets à scratch contre des bottines à talons — mes chevilles s’en souviennent encore —, mes lunettes contres des lentilles de contact et mes t-shirts informes contre des décolletés plongeants. Tous les matins avant de prendre le bus, un petit coup de khôl dans la muqueuse — jugez pas c’était la mode — et on était bon.

J’adorais mon corps, j’adorais mes seins. Je n’ai réalisé que des années plus tard que ce n’était que par le prisme du regard des autres, notamment celui des hommes. Un indice s’affiche sur votre écran : à terme, cela ne présage rien de bon…

Mon court témoignage à chaud sur le compte Instagram de @mashasexplique.

 

Bonnes poires et guerre seinte 🍐

Pendant mon premier semestre à l’université, prise en sandwich entre la dépression et les TCA, j’ai pris beaucoup de poids en très peu de temps. Mes seins aussi. Mon fier bonnet E a fini par dépasser la 8ème lettre de l’alphabet — H si vous avez la flemme de compter sur vos doigts — et la gravité a lentement fait son travail : à 18 ans, j’avais les seins qui tombaient. Je me suis surprise à me comparer à un chien basset avec de très longues oreilles, à ne pas savoir quoi en faire voire à carrément trébucher dessus.

Je pensais que ça n’arrivait qu’aux vieilles, en tout cas aux autres — c’est dire le manque de diversité nichonesque dans les médias. Je pensais que le fait d’avoir une grosse poitrine dressée était un passe-droit, un atout et un acquis inébranlables. Encore une fois, c’est donner beaucoup de pouvoir à de simples tissus graisseux.

Auparavant, ma poitrine avait beau m’empêcher de voir mes pieds — d’ailleurs est-ce que j’ai des pieds ? — de courir sur de longues distances ou de manger des plats en sauce sans me tâcher, elle était validée par une majorité d’hommes et répondait sans trop de difficulté aux fameuses injonctions que l’on peut voir/lire/entendre un peu partout. Comment cela avait-il pu basculer en si peu de temps ?

Mes miches étant désormais hors norme, j’ai bien cru que ma vie — amoureuse, sexuelle mais aussi personnelle — était fichue. Je recevais parfois des compliments de mes amants, mais le boost de sérotonine était bien trop éphémère pour que ça fasse le taf sur le long terme. Puis malgré moi, j’ai appris à accepter mes seins — et même à les apprécier — par mon seul et unique regard. Bien sûr, cela n’aurait sans doute jamais pu se faire sans les mouvements FatPositive et beaucoup, beaucoup de temps.

Malheureusement, les processus d’acceptation de soi et de guérison en général ne sont pas des parcours linéaires. Il suffira que vous baissiez votre garde un instant pour que des gens mal intentionnés — et dieu sait qu’ils sont nombreux — s’invitent dans la brèche. Être une meuf dans l’espace public et sur internet c’est pas super évident, qui l’eût cru ?

De plus, accepter ou aimer son corps ne suffit pas à abolir la misogynie ou le racisme… Ça se saurait. Au contraire, je pense même que l’obsession de son image ne serve finalement qu’à les renforcer.

Cependant, ne pas se détester au quotidien est une charge qu’il est bon de ne plus avoir sur les épaules. S’il y a bien un poids que je vous souhaite d’essayer de perdre, c’est celui-ci 😊 Mais passons.

Alors, organe sexuel ou pas ? 🔥

On le sait, les nichons ça fait cliquer. Que vous portiez des vêtements ou non, vous ne pourrez empêcher les autres de sexualiser ces morceaux de chair nourriciers. Heureusement, quand je suis seule j’ai encore le droit de décider quand ces drôles d’appendices sont sexuels ou non.

Mes seins occupent une grande place dans ma sexualité, au sens propre comme au figuré. Mes mamelons hypersensibles, plus particulièrement. Si j’apprécie parfois les décorer de nippies colorés, j’aime aussi le fait qu’ils soient capables de me connecter, avec ou sans pompe à tétons, à un plaisir hors du temps et du male gaze.

Mais : quand je ne suis pas chaude comme la braise, c’est à dire 95% du temps, j’aimerais qu’ils soient aussi insignifiants qu’un genou ou un orteil, à défaut de pouvoir les décrocher et les mettre de côté jusqu’à la prochaine partie de jambes en l’air. Est-ce trop demander ?

Quid de la réduction mammaire ? ✂️

Dire que je n’ai jamais songé à la chirurgie serait un mensonge. L’idée m’a parfois effleuré l’esprit, mais l’image des scalpels, des coutures et du sang avaient toujours vite fait de me rappeler qu’on n’a rien sans rien. On ne perd pas 5 bonnets par la simple intervention du sein (!!!) esprit.

Mais il n’y avait pas que la peur du bistouri. Il y avait aussi la peur de perdre la sensibilité de mes mamelons, certes, mais il y avait surtout la peur de ne plus aimer ceux que j’avais mis tant de temps à accepter. Aujourd’hui encore, la peur de l’inconnu l’emporte sur le soulagement de mes douleurs de dos ou sur la possibilité de trouver des brassières à ma taille chez Décathlon.

Qui sait, peut être qu’un jour ça changera.

#ChèrePoitrine,

Je t’ai adorée par le regard des hommes avant de découvrir que le mien était finalement le seul qui aurait dû compter. Après m’être sentie périmée à 18 ans, j’ai enfin réussi à lever mon majeur à cette norme injuste et arbitraire plutôt que de me mutiler le cerveau à tenter de rentrer coûte que coûte dans un moule étriqué et depuis toujours archaïque.

Si aujourd’hui je te tolère et parfois même je t’aime, c’est par mon propre regard et c’est la plus belle des victoires. C’est fou le temps qu’on gagne quand on ne se déteste pas chaque jour qui passe.

Mais bon, si tu pouvais éviter de transformer tous mes t-shirts en crop-top, ça serait quand même plus sympa, merci.

 

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Comme d’habitude, tout ce que l’on peut lire ici est mon avis personnel et seulement le mien.

4 Comments

  1. Garance SP

    6 septembre 2020 at 20 h 37 min

    Coucou !
    Je viens de découvrir ton blog via le giveaway que tu as organisé (découvert par le compte insta de mashasexplique), et j’ai fait un tour parmi tes articles. Celui-là m’a particulièrement interpellée. Je n’ai pas de grosse poitrine, mais je me suis quand même reconnue dans tes mots par rapport au (non-)port de soutien-gorge : je n’en porte plus depuis plus d’un an, et même si j’ai encore du mal à supporter le regard des autres – surtout de certaines personnes qui considèrent les tétons qui pointent comme un signe de désir sexuel ou je ne sais trop quoi… – , le mouvement NoBra s’étend, et ça fait du bien. Se défaire du regard des autres c’est pas facile, mais l’important c’est de faire de son mieux et de progresser, pas vrai ? Et puis d’en parler, pour faire bouger les choses 🐥
    Merci pour ton article, j’essaierai d’en lire davantage sur ton blog !
    Passe une belle soirée,
    Garance

  2. Miskina.fata

    6 septembre 2020 at 20 h 27 min

    Tous les nichons sont beauuux 💖

  3. Deli

    26 août 2020 at 1 h 42 min

    Merci pour cet article!
    J’ai longtemps complexé sur mes seins aussi: trop gros, trop flasques, trop pendants….
    C’est surtout à travers l’image que j’ai pu me les réapproprier : celle des autres, en regardant des photos de personnes avec des poitrines variées, mais aussi par le nude et la mise en scène de mon propre corps.
    Je pense que le plus gros problème à ce sujet, c’est le manque de représentations accessibles facilement !

  4. Lorenzo DaPonte

    16 août 2020 at 12 h 30 min

    Bonjour , là aussi , j’ai beaucoup aimé lire votre article ! Le ton, le fond et la (les) forme (s) 🙂 J’aime aussi voir que votre article se termine par une très positive note d’acceptation de votre corps.
    J’aime TOUS les seins , et lorsque ceux ci sont aimé par leur propriétaire c’est un plaisir d’autant plus grand.
    Merci à vous.

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